À l’occasion de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024, Vitry en lumière les sportifs amateurs vitriots à travers l’exposition "Dis-moi ton sport". Cette galerie de portraits, accessible tout l'été, sur les grilles de la Maison du tourisme et des projets et sur 11 équipements sportifs, célèbre les passions de 11 vitriots à travers des photographies et des vidéos. Chaque semaine, et jusqu'à la mi-septembre, retrouvez également le portrait de l'un de ces sportifs.
Souriant et affable, Éric Ung ne passe pas inaperçu dans le gymnase Monod. Ce retraité de 69 ans, dont les traits et la taille élancée ne reflètent aucunement l’âge vénérable, est un bénévole de l’ESV très assidu. Membre de la section tennis de table depuis plus de trente-cinq ans, il ne rate pas un entraînement et navigue au milieu des tables et des balles du lundi au vendredi, en général de 18h à 21h. Qu’il aide à installer le matériel, à la gestion des démarches administratives ou à encadrer et conseiller les jeunes pongistes, Éric s’implique avec plaisir et naturel pour mener à bien ses missions. Il surveille également avec la plus grande attention la progression de sa protégée : sa fille Seangna Rin, grand espoir de l’ESV.
« Elle est classée 3e en France dans la catégorie minime », annonce le papa, fier et admiratif. « Depuis qu’elle est petite, je vois bien qu’elle est très douée et j’ai essayé de partager cette passion avec elle et de l’aider à développer son potentiel. J’ai été strict mais parce que je voyais bien qu’elle aimait jouer. Aujourd’hui, elle fait partie du pôle espoir France et a de super résultats. Mais je suis content parce qu’elle a aussi de bonne notes à l’école ! »
Exil salutaire
Mais dans les années cinquante, rien ne prédestinait Éric à devenir le bénévole emblématique d’une association sportive française. Né à 10 000 kilomètres de Vitry, il a grandi dans la campagne cambodgienne, au sein d’une famille originaire de Chine. C’est à l’école que le jeune garçon découvrit le tennis de table : un sport qui ne le quittera jamais. « Il n’y avait qu’une seule table de ping-pong et tout le monde voulait y jouer pendant les récréations. Dès qu’un élève perdait un point, il devait laisser sa place » se souvient-il, les yeux rieurs. Le ton se fait plus grave lorsqu’Éric évoque les événements qui vont suivre et bouleverser le cours de sa vie.
En 1967, la guerre civile éclata au Cambodge, débouchant sur l’arrivée des Khmers rouges au pouvoir et sur un véritable génocide, dont le bilan s’élève à plus de 2 millions de victimes. Pour éviter d’être enrôlé dans l’armée, Éric dut quitter son pays sans pouvoir y retourner. Une fuite pour sa survie alors que plusieurs membres de sa famille, dont un frère et une sœur, n’en réchappèrent pas.
« Nous nous sommes réfugiés en Thaïlande avec mon père, puis nous avons atterri en France », retrace ce rescapé. « J’ai enchaîné les petits boulots pendant de longues années : j’ai été ouvrier à l’usine, chauffeur-taxi, j’ai travaillé dans le textile, dans la restauration… je n’ai jamais été au chômage ! »
Après une vie professionnelle bien remplie et des problèmes de santé, Éric voit désormais dans son activité bénévole un moyen de rester en forme et de faire des rencontres. Il peut en plus compter sur sa fille pour continuer à servir cette incroyable histoire familiale… à grands coups de revers croisés.
Hugo Derriennic