Du patrimoine industriel aux lieux culturels
Réalisé par la rédaction - Publié le 27 mai 2024
Du lieu festif et solidaire le Kilowatt, sur le terrain de l’ex-centrale électrique, au centre de développement chorégraphique national la Briqueterie, dans une ancienne usine de briques, partons à la découverte du riche passé, le plus souvent industriel, des lieux culturels qui animent aujourd’hui la ville.
Avec l’évolution des activités de la ville, l’architecture de Vitry ne cesse de changer de visage. Des lieux autrefois dédiés au transport et au stockage de marchandises, à la production de briques ou encore d’électricité, sont aujourd’hui dévolus à la création, la danse, le théâtre… Retour en arrière. Après la première révolution industrielle, de nombreuses usines profitent de l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Orléans, et de la création d’une gare à Vitry dans les années 1860, pour s’implanter sur la ville.
La plus connue de toutes est sans doute la centrale électrique Arrighi en bord de Seine, mise en service fin 1931. Centrale la plus puissante d’Europe, elle a fonctionné jusqu’en 1985. Un des terrains mitoyens de la centrale accueille depuis 2008 un lieu festif et solidaire dont le nom évoque ce passé : le Kilowatt. C’est à l’époque de l’entre-deux-guerres que la ville, souhaitant accompagner l’essor industriel et éviter les problèmes sanitaires, met à disposition des ouvriers des bains-douches. “Cinquante cabines de douche ! Le plus bel établissement de ce genre dans la région parisienne”, claironne le bulletin municipal en juin 1933. Après sa fermeture, cet établissement deviendra quant à lui la galerie municipale Jean-Collet.
Reconversion en cours d’une halle SNCF
Dans la zone des Ardoines, une autre friche abrite deux halles ferroviaires édifiées en 1924 (et utilisées jusqu’en 1995), qui servaient aux essais, vérifications et réparations électriques des trains. Mise à disposition d’un promoteur immobilier par la SNCF, la petite halle sera réhabilitée à l’horizon 2025. Deux activités y sont prévues : une recyclerie de matériaux de construction et une manufacture collaborative et solidaire pour des artisans. En descendant la Seine, un exemple supplémentaire de mutation urbaine remarquable se dévoile avec le Nouveau Gare au théâtre. Celui-ci occupe un lieu qui accueillait, jusqu’en 1978, trains et marchandises.
La halle ferroviaire construite en 1860 servait d’espace de stockage aux exploitants de la ligne Paris-Orléans et ne devait pas, à l’origine, accueillir de voyageurs. Sauf que les journaliers agricoles et autres ouvriers montaient à la sauvette dans les wagons pour se rendre quelques kilomètres plus loin... Les habitants ont alors eu vite fait de hisser le lieu au rang de gare officieuse, et ce jusqu’à l’installation de la nouvelle gare Vitry-Centre, érigée en 1905 juste à côté. Jusque dans les années soixante-dix, l’ancienne gare de fret servit de nouveau pour les marchandises et abrita même les poutres qui ont permis de construire la tour Montparnasse ! En 1996, le site est finalement transformé en théâtre. Depuis 2019 et la nouvelle direction, le lieu se réinvente encore…
Autre quartier, autre exemple de réhabilitation d’usine réussie : la briqueterie de Gournay rue Robert-Degert. Cette usine de briques, qui fonctionna à plein tube pendant cent ans et alimenta en briques les grands travaux haussmanniens, a été cédée à l’entreprise de mécanique de précision Mécalix, jusqu’à sa fermeture en 1995. Puis, avec le soutien du département et de la ville, elle est devenue le centre de développement chorégraphique du Val-de-Marne, inauguré en 2013. Les curieux peuvent même la visiter gratuitement lors des répétitions de spectacles de danse ouvertes au public.
Les EMA, ancien pensionnat
Un autre grand ensemble industriel existait à Vitry au XIXe siècle, rue Camille-Groult. Les Écoles municipales artistiques (EMA), bâtiment de 4 870 mètres carrés abritant une académie de danse, un conservatoire de musique et une école d’arts plastiques, furent autrefois un immense pensionnat avant de faire partie de l’usine Camille Groult. L’architecte Louis Soria et l’artiste Yann Kersalé sont à l’origine de cette réhabilitation, lumineuse et fluide, adaptée pour les trois disciplines et qui a abouti en 2005. Encore plus insolite : le grand bâtiment qui jouxte les EMA, et qui faisait également partie de l’usine Camille Groult.
“À l’origine, la Minoterie, bâtiment datant de 1867, était une fabrique de pâtes alimentaires. On y stockait les grains de blé et on y conditionnait la farine”, explique Prasith, un des artistes des dix-huit logements ateliers installés ici depuis 2002. Il retrace l’historique du lieu : “Après sa fermeture, la Minoterie a été reprise par l’entreprise Gestetner en charge de vendre des imprimantes. Puis, elle fut abandonnée jusqu’à ce que les Usines Bertheau la rachètent et la transforment entièrement”. Les Usines Bertheau, à la fois entreprise et concept de transformation de sites en friche en ateliers d’artistes, sont célèbres pour leur travail à Ivry, notamment à la Manufacture des œillets. “On est installés ici depuis vingt ans et on a envie que les Vitriots entrent !” précise Prasith, en annonçant des portes ouvertes à tous les habitants les 14, 15 et 16 juin, avec expositions et concerts. Une belle occasion de venir découvrir la seconde vie du patrimoine industriel de notre ville.
Katrin Acou-Bouaziz