Vitry terre de savoir faire
Publiée le 30 décembre 2024 - Mise à jour le 31 décembre 2024
Dès 1850, des usines s’implantent à Vitry. On fabrique des produits alimentaires, des produits chimiques… De l’électricité aussi. À partir des années soixante-dix, le processus s’inverse et, face aux suppressions d’emploi, la municipalité lutte aux côtés des salariés contre l’abandon industriel.
Sur son site internet, Air liquide le dit : le groupe d’envergure internationale dispose aujourd’hui “de deux sites de fabrication à Vitry, dont un centre de technologie cryogénique”. Des activités de pointe, dont la présence est le fruit d’une riche histoire industrielle locale. Au XIXe siècle, Vitry était un territoire agricole, avec des champs, des pépinières... et une population de deux mille habitants.
En 1860, le train arrive, avec l’ouverture d’une gare pour les voyageurs et les marchandises. Puis, c’est au tour du tramway, et ses voitures sur rails tirées par des chevaux ! La Seine, elle, permet Archives municipales Dès 1850, des usines s’implantent à Vitry. On fabrique des produits alimentaires, des produits chimiques… De l’électricité aussi. À partir des années soixante-dix, le processus s’inverse et, face aux suppressions d’emploi, la municipalité lutte aux côtés des salariés contre l’abandon industriel. d’acheminer des matériaux lourds (gravier, charbon…). Il n’en fallait pas plus pour que des industriels décident de s’implanter.
Déjà, en 1850, Camille Groult ouvrait une première grande fabrique, la manufacture de pâtes alimentaires Groult – réhabilitée, c’est aujourd’hui le bâtiment des Écoles municipales artistiques. Puis, en 1868, c’est au tour de la briqueterie de Gournay, qui produit jusqu’à douze millions de briques par an pour toute la région (elle est devenue le centre de développement chorégraphique national du Valde- Marne – La Briqueterie). Citons aussi les établissements d’engrais chimiques Pauffin (1892) et la tuilerie Boulanger (1892) sur les berges, ou encore la Miom – manufacture d’isolants et objets moulés (1897), sur l’actuel boulevard de Stalingrad.
Arrivée des frères Poulenc
Au début du XXe siècle, la ligne de chemin de fer est électrifiée, une gare plus grande est créée (devenue celle du RER C aujourd’hui), ainsi qu’un tramway rejoignant Châtelet, à Paris. Le quartier de la gare s’urbanise, la ville compte désormais 10 000 habitants. Autant de main d’oeuvre potentielle. En 1908, les frères Poulenc installent leur principale usine de produits chimiques quai du Port-à-l’Anglais, avec accès à la Seine d’un côté et au rail de l’autre. Les implantations se poursuivent – hélices Chauvière, fonderie Elion… – jusqu’à prendre le pas sur l’activité agricole. En 1925, la municipalité, remportée par une liste à majorité communiste, porte les aspirations de la population ouvrière. Elle soutiendra la construction de grands ensembles, à commencer par la cité des Combattants, pour loger les ouvriers qui vivaient souvent dans de l’habitat dégradé. Vitry devient, en même temps, productrice d’électricité pour la région parisienne.
En 1901, une première centrale, sur un terrain de trente hectares à proximité du fleuve, alimente le réseau de tramways à l’est de Paris. Elle est bientôt suivie d’une deuxième, l’usine électrique Thompson ou centrale de Vitry-Nord. En 1931, l’impressionnante centrale Arrighi, la centrale aux quatre cheminées, produit plus du quart de l’électricité de la région. La centrale thermique EDF, avec ses deux cheminées de plus de 150 mètres, est créée trente ans plus tard – ce sera la dernière à fermer ses portes, en 2015.
Banc d’essai de locomotives
Une activité du rail se développe aussi, avec des ateliers et un banc d’essai de locomotives. En 1928, l’usine Poulenc fusionne avec la Société chimique des usines du Rhône pour former le puissant groupe Rhône-Poulenc. C’est le futur Sanofi, géant mondial des produits pharmaceutiques, toujours présent sur Vitry aujourd’hui à travers des unités de recherche et de fabrication. En 1948, c’est au tour d’Air liquide, spécialiste des gaz industriels, de s’installer. On recense, huit ans plus tard, 10 300 emplois industriels sur la ville… soit un pour cinq habitants. Mais la tendance s’inverse à partir des années soixante-dix. Transferts en province, cessations d’activités, faillites. La crise est française, européenne. En 1985, Vitry compte toujours plus de 13 000 salariés, sur 27 000, dans le secteur de l’artisanat et de l’industrie.
Mais, recense alors Max Aufort, adjoint au maire, lors d’un conseil municipal dédié à l’emploi : 4 100 emplois de production ont été perdus en dix ans, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 1 % en un an, et mille emplois sont menacés à court terme. Il égrène : Trefimetaux, 450 emplois perdus ; Ceac Tecafiltres, 526 ; Drouet Diamond, 263 ; Frogerais, 50 ! Un comité local pour l’emploi regroupant élus, syndicats et employeurs est créé. Les élus se mobilisent auprès des directions d’entreprises, de l’État, se tiennent aux côtés des syndicats face aux plans sociaux. Ils dénoncent une “hémorragie”, un “abandon de la production au nom de la rentabilité”, une “insuffisance d’investissements préparant ces abandons” ! Ils s’indignent aussi que dans le secteur nationalisé (Rhône-Poulenc depuis 1981, Prolabo, ateliers SNCF, centrale EDF…), la logique suit celle du patronat. La désindustrialisation aura quand même eu lieu. Vitry garde toutefois un tissu industriel remarquable comparé à d’autres villes de proche banlieue, avec des fleurons – Sanofi, Air liquide, Agence d’essai ferroviaire (AEF) de la SNCF… – et aussi des PME et PMI dynamiques, dans le secteur des matériaux, des nouvelles technologies… La ville se bat avec les salariés pour défendre les emplois et l’activité comme l’illustrent les mobilisations de Pizzorno, Stef ou Casino. Et elle entend bien défendre ses atouts pour accueillir l’activité productive d’aujourd’hui, et de demain.