Coco De RinneZ, l’art en modèle

Publiée le 04 novembre 2024 - Mise à jour le 05 novembre 2024

© Julian Renard

À l’occasion de la biennale de l’atelier photo de la Maison de la jeunesse organisée en octobre, Coco De RinneZ présentait à la galerie municipale Jean-Collet, aux côtés de ses camarades, ses dernières œuvres, subtiles et percutantes. Retour sur un parcours atypique.

Ce soir-là, à la galerie municipale Jean-Collet, Coco De RinneZ affiche un sourire rayonnant mêlé d’une pointe de malice. Le temps de l’inauguration, elle se joue en châtelaine, drapée dans une robe de soirée moirée or, clin d’œil aux cadres peints en dorure qui enchâssent les œuvres qu’elle présente. De loin, leur disposition sur le mur évoque une galerie de portraits de famille, comme on en trouvait dans les riches demeures. Pourtant, en s’approchant, chaque portrait se révèle photo en trompe-l’œil d’un tableau emblématique sélectionné dans le catalogue de l’exposition Le Modèle noir présentée au musée d’Orsay en 2019.

Des photos intégralement construites par Coco De RinneZ, du décor peint aux costumes, du maquillage à la direction du modèle, de la lumière à la prise de vue.

“J’avais l’intuition de ce travail depuis bien longtemps, comme un pont historique dans ma propre vie. Je voulais donner à ces modèles noirs un visage contemporain et les réhumaniser là où la peinture les avait figés dans une absence d’identité, voire une identité d’esclave.”

Remarquables de technicité, de maturité, traversées par une réflexion sur le colonialisme et le féminisme, ces œuvres synthétisent le long chemin parcouru depuis ses premiers travaux photographiques, des autoportraits sous-titrés avec facétie Être ou ne pas être, moi je suis.

D’aussi loin qu’elle puisse s'en souvenir, Corinne Zobinou, de son patronyme, dessine et peint. “J’ai toujours été un peu lunaire et je passais mon temps à dessiner. Heureusement, mes profs ont toujours cru en moi, et au lycée Romain-Rolland j’ai pu prendre l’option arts plastiques et faire du théâtre.” Elle découvre aussi la vie associative, devient présidente de la maison des lycéens, gère la cafétéria... Des apprentissages, une socialisation et un engagement qui fondent le premier terreau de ses inspirations artistiques.

Car depuis la fin du lycée, jusqu’aux différentes expériences de boulots et formations, Corinne poursuit son exploration des arts plastiques, même si après le bac, elle a dû renoncer, sur les conseils de sa mère, aux Beaux-Arts de Paris où elle était admise car, “être artiste ne permet pas de vivre”. Heureusement, elle découvre l’atelier photo de la Maison de la jeunesse, qu’elle fréquente toujours aujourd’hui avec autant d’assiduité. “C’est devenu une famille”, confie-t-elle. Avec l’atelier photo débutent les voyages en Palestine, au Vietnam, puis commence un travail personnel, des autoportraits inspirés par l’artiste américaine Cindy Sherman.

“J’étais obsédée par mes personnages pour lesquels je cherchais des costumes, que je prenais dans les armoires familiales, du maquillage, des perruques, des accessoires... se souvient-elle. Dans ma chambre, j’ai installé un miroir, mon appareil photo sur un trépied et une télécommande, et je faisais des fois trois ou quatre personnages dans la journée !”

Quelques expositions plus tard, Corinne voyage aux États-Unis et au Japon, mais sans appareil photo. Coco, toutefois, n’arrête jamais le dessin, qu’elle relie cette fois à un autre médium : le textile. Avec une même ténacité à l’ouvrage, elle imagine des t-shirts en partant de photos, dont l’un offert à Naza qu’il porte dans le clip My God avec le groupe Ghetto Phénomène, et qui sera vu plus de cinq millions de fois ! Mais rien ne la crédite : Corinne ne sait pas vendre Coco...

En parallèle, Corinne suit des formations, travaille dans différents secteurs, parfois en intérim, aujourd’hui dans un emploi stable à la Poste, devient mère de famille, mais ne renonce jamais à faire... de la couture cette fois, avec des petits oursons et des tote bags en tissu africain et wax. Des fils qui peu à peu se tissent.

Depuis 2020, Coco De RinneZ nourrit son projet Le Modèle noir, de la peinture à la photographie, et poursuit son exploration du quotidien à l’art, des origines au regard, du modèle au photographe, de Corinne à Coco.

Portrait réalisé par Sylvaine Jeminet

REPERES
1989 : naissance à Lomé (Togo).
1998 : arrive en France à Vitry-sur-Seine.
2008 : bac L (section artistique) mention AB au lycée Romain-Rolland (passera en plus un bac pro en 2016 mention B).
2009 : intègre l'atelier photo-vidéo de la Maison de la jeunesse.
2014 : exposition personnelle à la galerie municipale Jean-Collet, Pour qui se prend Coco De RinneZ ?
2024 : biennale de l’atelier photo de la Maison de la jeunesse à la galerie municipale Jean-Collet.

 

Soyez le premier à réagir à cet article

 
Laisser un commentaire
Validation *

À des fins de sécurité, veuillez selectionner les 3 derniers caractères de la série.

*Champs obligatoires

Partager sur :

FacebookTwitter

Envoyer :

Envoyer