Quand Vitry recouvra sa liberté

Publiée le 24 septembre 2024 - Mise à jour le 24 septembre 2024

Après l’Occupation, la Libération. En août 1944, dans la foulée du débarquement allié en Normandie, une insurrection est lancée en région parisienne pour repousser la présence allemande. À Vitry, la rébellion ouvrière aura un rôle déterminant. La ville subira aussi des représailles, bombardements meurtriers et exécutions de résistants. Quatre-vingts ans plus tard, une exposition revient sur ce tournant de l’histoire.

"Des barricades dans les rues, une grève générale, la cité des Combattants bombardée, des exécutions… De nombreux événements de la Libération ont marqué l’histoire de Vitry”, explique Jean-Claude Rosenwald, président de la Société d’histoire de Vitry (SHV).

Cette association a engagé des recherches sur le déroulement de la Seconde Guerre mondiale dans la ville, et notamment cet épisode final d’août 1944. Cela fait alors quatre ans que Vitry, en France occupée, vit sous la coupe des autorités allemandes et du gouvernement collaborationniste de Vichy. Depuis début juin 1944 et le débarquement des forces américaines et anglaises en Normandie, un vent d’espoir souffle et redonne, dans toute la région parisienne, de l’ardeur à la lutte contre l’occupant. Un comité de libération est alors créé à Vitry, présidé par le résistant Paul Armangot, paveur-bitumier et membre de la CGT. Le 10 août, aux ateliers des Ardoines, les cheminots cessent le travail aux motsd’ordre : “Pour la libération totale et définitive de notre pays, grève !”

“Cette grève a fait tache d’huile et d’autres ateliers de la région parisienne, alors réquisitionnés ou occupés par les Allemands ou les forces de Vichy, ont fait de même”, souligne M. Rosenwald.

Reprise de l’hôtel de ville

Dans les rues, des barricades se montent pour faire barrage aux troupes allemandes. On utilise les pavés des chaussées, ou des troncs d’arbres sciés. Le 19 août, le mot d’ordre général d’insurrection est donné par le colonel Rol-Tanguy, chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Le même jour, le comité de libération prend possession de la mairie de Vitry.

“Nous étions trois, Paul Armangot, Louis Bertelome et moi. Nous sommes entrés dans le bureau où se tenait le maire désigné par le régime de Vichy et quelques-uns de ses collaborateurs. Nous lui avons annoncé que nous venions rependre possession de la mairie”, a témoigné, des années plus tard, Richard Casado, membre du groupe.

Mais le lendemain, six cheminots sont arrêtés par une troupe allemande au pont Mazagran et fusillés sur place. Le surlendemain, Paul Armangot et les résistants Robert et Roger Poirier, partis distribuer des vivres, se font également capturer et subissent le même sort devant le mur d’enceinte de l’école départementale, route de Fontainebleau, aujourd’hui lycée Chérioux. Des événements tragiques, qui donneront son nom actuel au pont – le pont des Fusillés – tandis qu’une rue porte le nom de Paul Armangot, et une autre celui des f rères Poirier. Pendant ce temps, les chars des alliés entrent à Vitry le 24 août. C’est l’explosion de joie. À Paris, entre aussi la 2e division blindée (DB) du général Leclerc. Le 25, se tient en mairie la première séance du conseil municipal provisoire, avec le comité de libération.

Avril 1945, premières élections municipales d’après-guerre

Toutefois, des moments sombres restent à venir. Le 26 août, dans Vitry libérée, un grand bal est organisé cité des Combattants. Mais les Allemands bombardent, touchant des industries - notamment la centrale électrique Arrighi – et des habitations. La cité des Combattants est atteinte pendant la fête.

“Le cinquième étage, où j’habitais, est descendu au rez-de-chaussée”, a témoigné une riveraine, Yvonne Crine, qui a fait état de plusieurs morts et blessés. La Libération ira toutefois à son terme. En avril 1945, les premières élections municipales d’après-guerre, avec le vote des femmes pour la première fois, sont organisées. Le communiste Lucien Français, libéré de camp d’internement nazi, est élu maire. Pour le 80e anniversaire de ces événements fondateurs, la Société d’histoire de Vitry prépare, depuis plus d’un an, une exposition avec des témoignages audio et vidéo, des objets d’époque, un plan interactif…

“Notre objectif ? Faire comprendre aux générations actuelles ce qu’a été le quotidien des Vitriots pendant la guerre, de manière concrète”, expliquent Jean-Claude Rosenwald et Jean-Michel Vuitton, tous deux membres de l’association.

Pour la Société d’histoire de Vitry, “à un moment où de nouveaux conflits armés sont apparus en Europe et où on assiste à la résurgence de mouvements à tendance populiste et nationaliste, il est nécessaire de se souvenir de ce qu’a été cette période et de rendre hommage à ceux qui ont résisté et libéré la France”.

Naï Asmar-Makni

Exposition : Vitry-sur-Seine 1939-1944, du 26 septembre au 10 octobre, Maison de la vie associative,
inauguration vendredi 27 septembre à 18 h avec la participation de la chorale du Port-à-l’Anglais
Festival : Sous les écrans la guerre, du dimanche 6 au vendredi 18 octobre, 3 Cinés Robespierre

80e anniversaire de la Libération : quand Vitry recouvra sa liberté

  • Libération de Vitry. Barricade rue Camille-Groult, entre le 18 et le 24 août 1944 © Don de Michel Germa (service Documentation 83Fi2)
  • Construction d'une barricade quai Jules-Guesdes. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Construction d'une barricade quai Jules-Guesdes. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Fumée liée à un incendie partiel d'un train de munitions allemand, entre les ponts avenue Jaurès et des Fusillés, 1er novembre 1944. © Don de Pierre Muse (service Archives documentation 83Fi6)
  • Libération de Vitry, août 1944. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Libération de Vitry, août 1944. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Libération de Vitry, avenue de Fadate, actuellment Guy-Moquet, août 1944. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Libération de Vitry. Carrefour avenue Jean-Jaurès / actuellement rue Gabriel-Péri. Don de Pierre Muse (service Archives documentation 83Fi4)
  • Vue de barricade dans une rue de Vitry en août 1944. © Don de Richard Casado (service Archives documentation 83Fi1)
  • Vue de l'excavation produite pas l'explosion de munitions stockées près du pont des Fusillés, suite à l'incendie d'un train de munitions allemand, le 1er novembre 1944. © Don de Pierre Muse (service Archives documentation 83Fi6)
 

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