Jumelage : Meissen, ville sœur

Publiée le 22 août 2024 - Mise à jour le 22 août 2024

© Michaël Lumbroso

Un jumelage, c’est un peu comme une famille. Celui entre Vitry et la ville allemande de Meissen, qui fête ses soixante ans, a été bousculé au gré des remous historiques, mais a tenu bon. Dans notre monde d’aujourd’hui, bien différent de celui de 1964, de quelle manière incarne-t-il encore son message originel de paix ?

“Et si vous nouiez un jumelage avec Meissen ?” La suggestion est faite lors d’un congrès de la Fédération mondiale des villes jumelées, à la fin des années cinquante. Suggestion entendue ! Le 3 mai 1964, un traité d’amitié est signé entre Clément Perrot, alors maire de Vitry, et Georg Kühn, maire de cette ville de République démocratique allemande (RDA). Le 27 janvier 1966, le conseil municipal vitriot approuve ce jumelage, après ceux engagés d’abord avec Burnley en Angleterre, puis avec Kladno en République tchèque. Le lien de fraternité, fidèle, allait être sans cesse remodelé par les reconfigurations politiques et historiques. À l’époque, la RDA, ou Allemagne de l’Est, est située de l’autre côté du rideau de fer, dans la sphère soviétique et communiste. Elle n’est pas reconnue en tant qu’État par la France. “Les Vitriots pouvaient se rendre là-bas, mais aucun visa n’était accordé dans l’autre sens”, se souvient Jacky Guérin, actuel trésorier du Comité de jumelage, association vitriote. Dans le cadre du jumelage, des délégations de femmes, d’enseignants, des enfants, partent là-bas, mais sans réciprocité possible.

Réunification

En 1973, quand la France reconnaît la RDA, les échanges sont facilités. Mais il faudra attendre 1987 pour qu’une première délégation de jeunes de Meissen viennent à Vitry, car c’est désormais l’État allemand qui s’oppose au départ... De peur qu’ils ne rentrent pas. Puis, en 1989, la chute du mur de Berlin intervient avec l’intégration de la RDA à l’Allemagne de l’Ouest. Passé les démonstrations de joie de la réunification, les liens créés avec les habitants de Meissen permettront quelques années plus tard de saisir l’ampleur du choc. “Ils nous ont raconté comment ils ont vécu cette transformation brutale, raconte Marthe Dauchez, ancienne élue et membre des délégations. Il y a eu une perte d’acquis sociaux – avec la fermeture de nombreuses crèches par exemple – un sentiment de déclassement, la montée du chômage. Et puis, comme des fabriques locales ont fermé, ils ne trouvaient plus le beurre qu’ils aimaient, ni les cornichons !”

Tissons le lien

Meissen encaisse le coup, les échanges entre les deux villes sont au point mort. En 1992, Marthe Dauchez décide de reprendre contact : “Je compose le numéro, tombe sur une secrétaire, puis on me passe le maire. Je lui demande, où en est notre jumelage ? C’est là qu’ils nous proposent de participer à leur fête du vin”. Lors de cet événement régional, la ville de Vitry tiendra un stand pendant plusieurs années, faisant connaître et déguster des vins français, nouant de nouveaux liens. Le jumelage reprend vie, et dans les deux sens cette fois. Les échanges et délégations de succèdent : jeunes, sportifs, journalistes, enseignants, personnel de crèche ou d’hôpital. Meissen reçoit aussi des groupes d’adultes vitriots, et vice-versa. L’accueil se fait au sein de familles. “Cela permet de se voir dans la vie de tous les jours, se connaître, comprendre les différences de coutume. Des amitiés sont nouées”, explique Nadine Rastetter, référente de la commission Meissen au sein du comité de jumelage. S’y ajoutent des échanges entre des élèves de BTS du lycée Chérioux et du lycée professionnel de Meissen, ainsi qu’entre des chorales des deux villes… “Depuis toutes ces années, ce sont au total des milliers de Vitriots, jeunes, adultes, qui sont partis à Meissen”, relève Marthe Dauchez.

Jumelage confirmé

Pour ses 60 ans, le jumelage a été relancé par un acte de confirmation du jumelage, avec une cérémonie à Meissen en présence de Pierre Bell-Lloch, le maire de Vitry, et d’Albertino Ramaël, adjoint à l’Ouverture sur le monde, qui ont offert un lilas, symbole de Vitry. Les Allemands étaient aussi présents aux Fêtes du lilas. Quel sens donner aujourd’hui à ce jumelage ? Né dans une Europe traumatisée par la Seconde Guerre mondiale, il se voulait acte de paix. “Nouer des liens entre les populations, c’est les amener à être plus enclines à faire pression sur leurs dirigeants pour éviter les guerres”, résume Jacky Guérin. Et aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, de la mondialisation et des voyages en un clic ? “On se déplace plus facilement, on peut regarder des vidéos du bout du monde, mais on prend moins le temps de rencontrer l’autre, de le découvrir dans sa différence”, s’inquiète le trésorier. Dans un monde qui semble se polariser, ce jumelage éclaire sans doute l’importance de s’intéresser vraiment à l’autre, et de le comprendre.

Naï Asmar-Makni

 

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