Toussaint Louverture : de l’indépendance d’Haïti à aujourd’hui
Publiée le 18 avril 2024 - Mise à jour le 18 avril 2024
Samedi 13 avril se tenait la journée d’hommage à Toussaint Louverture, précurseur de l’indépendance d’Haïti, organisée par les associations Cordescoh et Bamboch Lakay. Une manière de célébrer la culture haïtienne et d’évoquer les combats du passé pour aborder la situation actuelle du pays, marqué par une grave crise politique et sociale.
Né esclave en 1743 à Saint-Domingue, affranchi en 1776, Toussaint Louverture devint gouverneur de l’île, encore sous colonie française, en 1801. Peu de temps après, il en affirma l’autonomie. Symbole de la révolution haïtienne, précurseur de l’indépendance, l’homme - arrêté l’année d'après et mort en prison en 1803 - était au centre de la journée d’hommage du samedi 13 avril à l'hôtel de ville de Vitry.
Au programme : déjeuner haïtien préparé par l'association Cordescoh, initiation aux percussions, documentaire d’Arnold Antonin sur Jean-Jacques Dessalines, le premier empereur d’Haïti, ou encore pièce de théâtre, Ayiti, Racines et Liberté de la compagnie Bamboch Lakay…
Une grave crise politique et sociale
Et parce que le passé alimente le présent, s'ensuivit une conférence-débat, parole libre, autour de la situation actuelle en Haïti, confrontée depuis plusieurs années à une grave crise politique, sécuritaire et sociale. “Les problématiques sont nombreuses. Il faut revenir aux rêves des humanistes, à ce qu’on veut pour notre pays et réfléchir à comment mettre des mots sur nos maux”, a constaté le pasteur Emmanuel Toussaint, sociologue et théologien, invité pour l’occasion.
“On a décidé de s’affranchir, d’être libre, d’être indépendant, a martelé un habitant. Mais parce qu’on a une histoire faite de combats et de véhémence, on se retrouve dans un état de fait chaotique. Alors qu’est-ce qu’on fait ?”
Cette question était au cœur des discussions… Sans qu’une réponse puisse forcément être trouvée. “Il faut investir dans l’humain, a suggéré Emmanuel Toussaint. Il faut se réunir et rassembler nos forces vives.”
Une résurgence à trouver
Pour Luc Ladire, premier adjoint au maire, “le peuple Haïtien est capable de se relever, car il a des valeurs ancestrales qui lui permettent de se prendre en main”. Mais toute la difficulté réside justement là, entre d’un côté, les tensions nourries par l’Histoire, l’âpreté de la situation actuelle instable, l’impunité des élites et la violence des gangs, et d’un autre côté, la nécessité de se rassembler.
“Imaginez un peuple qui est né d'un crime contre l'humanité. Aujourd’hui, oui, on est libres : mais on fait comment ? On n’a jamais appris à l’être ! À aucun moment, il n’y a eu de pansements… Comment voulez-vous aller au-delà de la division si on ne se penche pas sur ce qui nous a fait mal et nous fait encore mal ?”, a établi la vice-présidente de l’Association des descendants d’esclaves et de leurs amis du Val-de-Marne (Aden 94).
Se réapproprier son identité
En creux, toutes les personnes dans la salle se sont accordées sur une chose : la question identitaire est indissociable des réflexions sur l’avenir du pays. “Haïti s’est délivrée de ses chaînes, mais elle n’est pas unie, c’est ce qui manque”, a souligné une participante.
“Ce qui me frappe, c’est qu’on a scindé l’île pendant longtemps : une partie avec une identité espagnole, l’autre avec une identité créole mais avec la dominance du français. Des pays Africains nous montrent en ce moment qu’ils reprennent peu à peu leur identité : est-ce que c’est possible pour Haïti ?” a interrogé Luc Ladire.
Les réponses et les solutions sont loin d’être évidentes, mais y réfléchir représente déjà un pas en avant. Un pas de plus dans cette longue marche vers la paix.
Clément Aulnette