Métro, la “Grotte céleste” par Abdelkader Benchamma

Publiée le 17 avril 2024 - Mise à jour le 18 avril 2024

© Julian Renard

L’artiste Abdelkader Benchamma signe sa plus grande œuvre dans la gare grotte de la station de métro Mairie-de-Vitry de la ligne 15. Il vient de l’achever avec son équipe. Rencontre.

Les transports riment souvent avec métro-boulot-dodo, que voulez-vous offrir par votre art aux voyageurs ?

J’aimerais leur offrir un petit moment spécial, magique, mystérieux, les faire voyager mentalement, de façon poétique, en dehors de la routine. Je veux leur apporter une expérience rêvée, qui peut être étrange, créer un trouble et donner l’impression d’entrer dans un musée. La terre, les roches, la grotte proposent un voyage dans le temps, un voyage spirituel et mental qui est une métaphore du monde, des civilisations disparues. La géologie rend compte du temps long, et ça me fait du bien de prendre ce recul. Face aux forces telluriques, l’humain doit être modeste…

Quelles ont été vos techniques et inspirations ?

Il y a de grands mouvements et, pour réaliser les jonctions, des dessins ont été faits à la règle. Un peintre spécialiste du faux marbre est intervenu. On a intégré l’image d’éléments retrouvés lors des fouilles archéologiques avant le chantier, qui sont les traces de l’orphelinat qui existait là, au XIXe siècle : dans les couches géologiques dessinées réapparaissent un jouet, une colonne de chapiteau. Il y a encore une parhélie, phénomène optique dans lequel le soleil se dédouble, comme le montrent des gravures du XVIIe siècle. Car l’homme a toujours regardé le ciel et ses phénomènes magiques. Étrangement, dans la grotte, on descend sous terre et on quitte ses repères… On peut avoir l’impression d’entrer dans un univers de science-fiction.

Comment avez-vous été choisi pour réaliser cette œuvre et que représente-t-elle ?

Le directeur artistique de la Société des grands projets m’a choisi en 2018, je pense pour mon habilité à improviser sur les murs, m’adapter aux contraintes des lieux dans la création graphique. Je n’aurais pas rêvé mieux que de travailler avec avec l’équipe d’architectes King Kong. Ils m’ont fait confiance, donné carte blanche. Dans les volumes en mouvement, parfois fracturés, de la grotte créée, je leur ai demandé de réaliser des zones lisses pour dessiner plus facilement.

Cette œuvre représente quelque chose d’incroyable, qu’on ne réalise qu’une fois dans sa vie. Avec les moyens apportés par la Société des grands projets, j’ai pu obtenir une nacelle, une équipe jusqu’à cinq personnes… Les peintures rupestres étaient un acte rituel, magique. Cette œuvre a permis de rendre plus précis ce que j’essaie de faire depuis des années. En adéquation avec l’espace monumental, elle décuple le pouvoir de mon sujet : le temps, la sacralité de la mémoire. J’ai appelé mon œuvre « Grotte céleste ».

Gwénaël le Morzellec

 

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