La grande marche, il y a 40 ans : pour l’égalité et contre le racisme
Publiée le 06 décembre 2023 - Mise à jour le 06 décembre 2023
Partie le 15 octobre 1983 des Minguettes et de Vénissieux… arrivée à Paris le 3 décembre, la marche pour l’égalité et contre le racisme a largement résonné à Vitry, ville étape. L’événement national rejaillit dans les souvenirs de Vitriotes et de Vitriots.
Il y a quarante ans, la marche pour l’égalité et contre le racisme, telle une houle, traversa la France jusqu’à la capitale où près de 100 000 personnes la rejoignirent lors de la manifestation finale à Paris.
Elle entre alors dans la mémoire collective. Ce tsunami est déclenché par quelques dizaines de garçons et de filles, enfants d’émigrés des banlieues lyonnaise et marseillaise inspirés par Gandhi, chantre de la non-violence. Ils réclament alors, debout face au président de la République qui les reçoit, les mêmes droits que toutes et tous – pour les études, le travail, le logement – et dénoncent les crimes racistes.
Des Vitriot·e·s convoquent leurs souvenirs, énonçant l’âge qu’ils avaient alors
• Monique Loriette, 45 ans, du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, reçoit la marche. “Très importante pour le Mrap, elle était vraiment exceptionnelle. Sur la place du Marché à Vitry, on avait préparé des repas avec d’autres associations.”
• Paco Mora, 20 ans, aujourd’hui commerçant, guette et organise l’accueil avec des habitant·e·s des quartiers. “Ils sont arrivés par la route 305, filles et garçons. J’étais très ému et fier. Depuis le début, au sein d’un collectif, nous préparions leur venue, on tractait. Six ont été hébergés à Vitry. Et le soir, on a tenu une rencontre-débat avec concert dans la salle Robespierre pleine à craquer. Un vrai succès… Cela a changé la vie de pas mal de jeunes jusque-là sans perspective et très défaitistes. Moi, j’étais déjà engagé. On affirmait : « Nos parents sont là et nous on ne bougera pas : quels que soient nos papiers, on veut les mêmes droits, les mêmes devoirs ».”
• Mouloud Kacer, 30 ans, adhérent aux Jeunesses communistes, accueille aussi les marcheurs dans son stand. “Des dizaines sont arrivés à Vitry, place du Marché, avant le jour de la grande manifestation à Paris. Ces jeunes hommes et filles avaient une conscience politique de très haut niveau, étonnante : ils parlaient d’égalité des chances. Il y avait alors beaucoup de racisme et de violence en région parisienne, dans les Bouches-du-Rhône. Un jeune avait été abattu à la cité de la rue JeanCouzy à Vitry.”
• Abdelkader Lareiche aurait eu 18 ans. Le 16 février 1980, il est tué au fusil par son voisin, gardien de l’immeuble de la rue Jean-Couzy, excédé par le bruit. Le drame fait couler beaucoup d’encre en France. Manifestation des proches en ville, débat au collège, chanson Kader blues écrite par le musicien vitriot Lounès Lounis, documentaire du collectif Mohamed, deuxième concert Rock Against Police, puis création du collectif Jeunes Ivry-Vitry.
• Nadia Aidli, 17 ans, aujourd’hui présidente de la Fédération nationale de double dutch, engagée, en lien avec le collectif Pas sans nous, traverse alors l’Amérique latine après avoir eu son bac. “Cette marche pour les amitiés a eu des conséquences très larges faisant émerger des citoyennetés actives. On se disait : ce qu’on vit, ce qu’on voit dans les quartiers populaires de France, ne sont pas des choses normales. En tous cas, à Vitry, ville de solidarité, il y avait une vraie dynamique. Avec l’OMJ et d’autres associations, j’ai participé à des actions contre les discriminations, pour plus de justice, pour soutenir la Palestine, contre l’apartheid en Afrique du Sud.” Un tournant historique sur la prise de conscience de la discrimination
• Rabah Lachouri, 23 ans, actuel président d’Ensemble pour l’avenir, est alors étudiant, et très attentif. “Ce fut un tournant historique sur la question de l’immigration et la prise de conscience de la discrimination. Les pères et les mères des marcheurs, accrochés au mythe du retour au pays, ont vu que leurs enfants lutteraient pour construire leur avenir ici. Cela m’a donné le courage de militer… Dans les années soixante-dix, les actes racistes, les gens tués devant le siège de l’Amicale des Algériens en Europe à Marseille, ça faisait peur.”
• Boubacar N’Diaye, 9 ans, aujourd’hui coordinateur enfance-jeune au centre social Balzac, vit dans le quartier Balzac. “À cet âge, on pense à autre chose, surtout quand on n’a ni grande sœur ni grand frère pour en parler. Par contre, je me rappelle de la main jaune de SOS Racisme, ainsi que du meurtre de Malik Oussekine en 1986 – les grands du quartier ont alors rejoint une marche.” À la mémoire du jeune homme frappé mortellement par des policiers, de nombreuses manifestations silencieuses ont alors eu lieu partout en France
Gwénaël le Morzellec
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