Antoine Moreno, l'homme aux mille vies
Publiée le 09 novembre 2023 - Mise à jour le 10 novembre 2023
Aux côtés de son chien guide, le labrador Sid, Antoine Moreno est une figure bien connue des Vitriots. Celui qui entend prendre part à toutes les luttes sociales est engagé en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap à travers deux associations, Aspar-Athlé et Vigilance handicap.
Militant, handisportif, administrateur de l’École des chiens guides de Paris… On pourrait dire de lui qu’il est l’homme aux mille vies. Antoine Moreno, septuagénaire vitriot, le sait, et il prévient d’emblée : “lorsque je commence à raconter, j’ai du mal à m’arrêter”.
Le temps de l'annonce
C’est à 17 ans, alors qu’il suit un apprentissage en chauffagerie près de Montpellier, que sa vie bascule. Antoine se sent souvent ébloui à son poste de soudure. Après une errance médicale, on lui diagnostique une rétinite pigmentaire, une maladie oculaire dégénérative qui provoque la cécité. Progressivement, Antoine bascule dans l’opacité. À mesure que sa vision décline et se morcelle, il tombe en dépression, pense même au suicide. “C’est tout mon instinct de vie qui m’avait quitté”, confie-t-il. Au plus bas, il quitte le domicile familial et intègre un centre de rééducation pour adultes malvoyants, à Marly-le-Roi, dans les Yvelines.
Lorsqu’il évoque cette période, Antoine parle d’une “renaissance”. “J’y suis entré abattu et j’en suis ressorti combattif, déterminé, avec l’envie d’avancer.”
Le temps de l'insertion professionnelle
Aux côtés de professionnels, il découvre la canne blanche, utilisée pour se déplacer, un indispensable qui ne quittera plus son sac. Puis vient le temps de l’insertion professionnelle, comme standardiste dans l’association Valentin-Haüy qui aide les personnes atteintes de déficience visuelle, puis à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, au service radiologie, comme technicien en surface sensible à la lumière. “Ça sonne bien pour un aveugle !” rigole Antoine. C’est à l’hôpital qu’il fera sa carrière, et c’est aussi là qu’il rencontrera Marie-France, son épouse, avec qui il aura deux filles, Hortence et Honorine.
Le temps des records
Au sein de l’Association sportive des personnels des administrations parisiennes, l’APSAP, Antoine débute une folle aventure qui le porte jusqu’aux sommets paralympiques. Repéré par la Fédération française de handisport, il intègre l’équipe de France de marathon et enchaîne les sélections en binôme avec Francis, son guide officiel. Il remporte plusieurs titres jusqu’à la consécration en 1992 : la troisième place aux Championnats du monde de marathon handisport.
Le temps des combats
Installé à Vitry depuis 1981, il prend la tête de l’association Aspar-Athlé qui propose à tous, personnes valides et handicapées, de se retrouver autour du sport. Il rejoint la commission communale d’accessibilité, où il se mobilise en faveur de l’accessibilité des équipements culturels et sportifs, participe à des projets de sensibilisation au handicap avec les écoles et les structures du territoire.
Au sein de l’association Vigilance handicap, cofondée en 1998, il assure, à Ivry, des permanences d’accès au droit ouvertes à tous les publics. Car Antoine Moreno ne résume pas son engagement à la seule défense des droits des personnes handicapées.
“Mon premier souvenir de manifestation, c’était contre la guerre au Vietnam”, tient-il à préciser.
Syndiqué, engagé au Parti communiste, il enracine son militantisme pour les droits sociaux dans sa jeunesse passée dans un quartier populaire de Montpellier et dans l’héritage de ses parents, anarchistes espagnols.
Si son emploi du temps chargé le lui permettait, il aimerait bien, un jour, concrétiser ce projet qu’il garde en tête depuis des années : écrire les mémoires de son grand-père réfugié de l’Espagne franquiste.
Portrait réalisé par Majda Abdellah
Repères
Juillet 1952 : naissance près de Montpellier.
Décembre 1972 : intègre un centre de rééducation pour adultes malvoyants, dans les Yvelines
Mars 1976 : devient agent hospitalier à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre au service de radiologie.
Juin 1977 : rencontre son épouse, Marie-France, agente hospitalière au service de réanimation.
Décembre 1981 : s’installe à Vitry dans le quartier des Malassis.
Décembre 1992 : obtient la 3e place aux championnats du monde de Marathon handisport.