Une femme à la tête de la Briqueterie

FEMME EN QUESTION #3 | Chaque semaine durant le mois de mars, découvrez une Vitriote engagée.

Quel chemin vous a mené jusqu'à Vitry ?

Je suis rentrée assez tôt dans la danse par la pratique. J'ai passé toute ma scolarité en danse-études. Ensuite, j'ai poursuivi mes études en droit, puis en arts du spectacle. Car pour moi, l'art, c'est aussi une représentation de la société dont on peut avoir une lecture très politique. J'ai débuté par le terrain, comme chargée de mission danse en Languedoc-Roussillon. Une expérience fondatrice où je pilotais notamment une opération de décentralisation chorégraphique qui s'intitulait Itinéraire de la danse. Je programmais des spectacles dans l'arrière-pays languedocien et parcourais ce vaste territoire jusque dans ses coins les plus reculés. Ce sont des années de militance chorégraphique.

Chaque lieu a des spécificités que l'on doit travailler différemment et qui reposent sur les énergies collectives avec des personnes relais, des militants de l'art et la culture qui vont se mobiliser, créer une émulation, permettre un dialogue et fournir un travail de terrain quotidien. Après cette expérience, j'ai souhaité me rapprocher de la création artistique et travailler avec des chorégraphes à une échelle nationale et internationale. Je suis ensuite devenue directrice déléguée au CCN de Rennes au côté de Boris Charmatz. Nous avons mené pendant 10 ans une merveilleuse aventure artistique centrée sur l'accès à la culture chorégraphique. Je suis partie au terme de notre mandat avec l'envie de découvrir de nouveaux horizons.

Un besoin d'émancipation plus difficile pour une femme ?

J'ai pu observer que dans le secteur culturel indépendant, les postes de production et d’administration sont majoritairement occupés par des femmes. Ce sont des postes « de l'ombre ». La danse, par son caractère artistique peut-être, est globalement assez féminisée, mais dès qu'on rentre un peu plus dans les directions des institutions, on trouve plus d'hommes. Seules exceptions dans le paysage, les 13 centres de développement chorégraphiques nationaux (CDCN), dont la Briqueterie, aux directions désormais très féminisées. Malgré toutes mes compétences, je devais aussi faire le chemin de « m'autoriser à », comme une idée d'empowerment [responsabilisation]... J'avais des propositions de travail pour servir des projets d'hommes, mais j'éprouvais le besoin de sortir de ce schéma.

Comment êtes-vous arrivée à la Briqueterie ?  

Nous vivons une situation inédite. Lorsque j'ai candidaté, je ne pouvais pas parcourir le territoire autant que je le souhaitais. Mais ce sont parfois les rencontres qui emportent l'adhésion. Lors d'une de mes visites, j'ai discuté avec trois femmes dans la librairie associative Livres en luttes. Elles m'ont parlé avec tellement d'amour de leur ville... et c'est cette dimension d’humanité qui me mobilise. Nous travaillons avec des personnes, des humains, et ce type de rencontre vous fait basculer.

Et puis Vitry est un territoire assez exceptionnel par ses équipements et ses acteurs et actrices culturels, d'une grande qualité. C'était déterminant, car j'aime la pluridisciplinarité et, de fait, la danse est perméable à toutes les formes artistiques. La danse, en tant qu'art de la représentation, est comme une caisse de résonance du corps politique et collectif. J'ai envie de rendre compte de tous ces aspects.

Sylvaine Jeminet

21^e Biennale de danse, pour que vive la création chorégraphique
Cette année la 21^e édition de la Biennale de danse a lieu en ligne, sur le site de la Briqueterie. Une performance des équipes administratives et techniques qui ont investi tout leur savoir-faire dans cette préparation, et du travail acharné des équipes artistiques. Connectez-vous et entrez dans la danse jusqu'au 4 avril !